Interview de Shannon Hale, par les Lectrices Charleston
Notre roman de mai est attendu avec impatience…Qualifié de « meilleur hommage à Jane Austen » par Stephenie Meyer herself, déjà adapté au cinéma, cette variation autour d’Orgueil et Préjugés présente une jeune femme complètement obsédée par Mr Darcy (ou plutôt Colin Firth jouant Mr Darcy)… Il s’agit de Coup de foudre à Austenland, de Shannon Hale !
Nos lectrices Charleston ont déjà pu savourer ce roman en avant-première, et nous livrer leurs impressions. Elles ont également eu la chance d’interviewer l’auteur drôlissime de Coup de foudre à Austenland : Shannon Hale ! Attention, elle est intarissable lorsqu’elle parle de Colin Firth !
Comment vous est venue l’idée d’une jeune femme moderne « voyageant dans le temps » à l’époque de Jane Austen ?
En 1996 (ou 1997), mon petit frère Jeff est venu me parler d’un problème : il devait lire Orgueil et Préjugés pour son cours d’Anglais du lycée et il n’arrivait pas à rentrer dans la langue ou l’univers de cet auteur. Ce roman, sans conteste le chef d’œuvre de Jane Austen, a toujours fait partie de mes préférés. À cette époque, je l’avais déjà lu trois fois pour mon plaisir. J’ai essayé de parler à Jeff du contexte de l’œuvre d’Austen pour l’aider dans sa lecture, j’ai essayé de le lire avec lui, mais il n’arrivait toujours pas à le lire. Certains livres ne sont tout simplement pas faits pour tout le monde.
Mon amie Shauna m’avait parlé, avec grand enthousiasme, d’une mini-série BBC adaptée du roman, et, pensant que voir le film aiderait Jeff à s’intéresser à cette lecture, j’en ai loué un exemplaire. Nous l’avons regardé dans la cave de mes parents, Jeff, moi et mon petit ami de l’université, Dean (qui, après des hauts et des bas, plusieurs séparations et une relation à distance, est ensuite devenu mon mari. Mais, ça, c’est une toute autre histoire…).
Je dois dire que ce fut une expérience assez intense et plutôt gênante. Mettez-vous à ma place et imaginez-vous assise à côté de votre petit ami tandis que vous tombez rapidement et éperdument amoureuse d’un autre homme. Pour celles qui n’auraient pas vu cette adaptation, laissez-moi vous dire que cela n’a rien à voir avec éprouver du désir pour un Matthew McConaughey torse nu dans une comédie romantique. Non, c’est bien plus que cela. C’est l’amour, le vrai. C’est douloureux et incroyable. C’est le Mr Darcy de Colin Firth.
Quand Jeff et moi avons revu pour la seconde fois la mini-série, j’ai fait attention de choisir un moment où Dean ne pourrait pas être là. Et il fallait que ce soit LE PLUS VITE POSSIBLE.
La Darcy-mania s’est emparée de moi et ne m’a pas quittée pendant des jours et des jours. J’ai revu certains passages de la série, j’ai relu le roman, j’en rêvais le jour et la nuit. C’était enivrant et pas pratique du tout puisque Colin Firth n’est pas Mr Darcy, que Mr Darcy n’existe pas, mais, s’il avait existé, il aurait vécu 200 ans plus tôt. On peut dire que cette relation était vouée à l’échec, en quelque sorte.
J’en avais honte, mais je me suis rapidement rendu compte que j’étais loin d’être la seule à souffrir de ce mal… Mes amies les plus proches cachaient le même secret. Et il suffisait que je prononce le nom de Mr Darcy à de parfaites inconnues pour me rendre compte qu’elles cachaient la même obsession. Nous étions toutes fans des romans de Jane Austen, mais il y avait quelque chose dans cette adaptation télévisée qui transformait cette histoire. D’un simple roman classique, intelligent et charmant, elle en faisait un fantasme saisissant, qui vous happe et ne vous lâche plus. Mr Darcy. Ah, Mr Darcy ! Comment faire pour satisfaire ce fantasme de Mr Darcy qui nous hantait toutes ?
C’est peu de temps après avoir vu le film pour la première fois que l’idée de cette histoire où des femmes feraient un séjour dans un domaine inspiré du monde de Jane Austen pour vivre comme au temps de la Régence m’est venue. J’ai de nouvelles idées pour des histoires quasiment tous les jours, mais je n’arrivais pas à oublier celle-ci. Je me souviens, à l’automne 1999, je marchais sur le campus de l’Université du Montana et je me disais que cette histoire ferait une bonne nouvelle. Mais l’histoire que je voulais raconter ne ressemblait pas du tout à ce que nous écrivions dans mon cours d’écriture littéraire, où Raymond Carver, Alice Munro et Marcel Proust régnaient en maîtres. J’imaginais très bien ce qu’auraient pensé les professeurs et les élèves de ma classe de Jane, Martin et Mr Nobley. Ils auraient ri DE, et non AVEC, ces personnages. Ou pire, ils les auraient méprisés.
Mais l’idée de cette histoire ne m’a pas quittée et, au cours de l’automne 2000, entre deux réécritures de The Goose Girl, mon premier roman pour jeunes adultes, j’ai commencé à écrire l’histoire de Jane. Il m’a fallu six ans pour la terminer.
Jane, l’héroïne du roman, a honte de son addiction à l’adaptation télévisée de la BBC d’Orgueil et Préjugés. Pourquoi ?
J’ai remarqué, chez moi et mes amies, une tendance à vouloir cacher, ou en tout cas minimiser l’importance que nous accordions à ce genre de films et à quel point ils nous faisaient rêver. Nous voulions être des femmes modernes et féministes, des intellectuelles, pas des femmes accros à des fantasmes fleur bleue ! Pour moi, il était intéressant d’essayer de comprendre pourquoi nous avions honte de quelque chose que nous aimions et de quelque chose qui nous définissait en partie. Cela me semblait naturel que Jane, dont l’obsession est particulièrement importante, puisse avoir envie de dissimuler le degré de son obsession aux autres.
En un sens, Jane est perdue entre ses fantasmes littéraires et sa vie réelle. Cela vous est-il arrivé, en tant qu’auteur ?
Absolument ! Je me souviens que quand j’étais adolescente, ma mère m’a dit : « Shannon, tu vis dans ton imagination ! ». L’une des raisons pour lesquelles je suis écrivain est parce que j’aime (ou j’ai besoin de ?) me plonger dans les histoires et les rêves. Mais cela peut parfois être une voie dangereuse.
Aimeriez-vous vivre cela : passer plusieurs semaines dans une autre époque (avec ou sans Colin Firth) ? Quelle époque préféreriez-vous ? La Régence ? Une autre ?
Oh oui, cela me plairait beaucoup. C’est pour cette raison que j’ai écrit ce livre, je voulais savoir à quoi ressemblait la vie quotidienne à l’époque de la Régence, c’est ce qui m’a menée à l’histoire de Jane. Alors pourquoi pas ? Je pense que ça pourrait être très amusant, très instructif en tout cas.
Comment avez-vous découvert Jane Austen ? Quel est votre roman préféré de cet auteur et de quel personnage vous sentez-vous la plus proche ?
Je ne me souviens pas comment j’ai découvert Jane Austen. Tout le monde parlait d’elle. J’avais lu Orgueil et Préjugés pour mon plaisir quand j’étais adolescente, à la suite de quoi j’ai cherché et lu tous ses autres romans. Orgueil et Préjugés est mon préféré depuis des années, mais j’aime tous ses romans. Northanger Abbey est très drôle, et Persuasion est une très belle histoire.
Comment expliquez-vous l’enthousiasme et la passion que suscite l’œuvre de Jane Austen aujourd’hui ?
Jane Austen est tout simplement un très grand écrivain. Ce sont des histoires qui restent et qui transcendent leur époque. Tant de lecteurs continuent de s’identifier aux personnages et à leurs situations encore aujourd’hui. De plus, je pense que la folie du monde moderne nous pousse à nous tourner vers le passé et penser avec une certaine nostalgie à un temps où la vie était plus simple, un temps d’élégance, de courtoisie et d’oisiveté.
Le roman a été adapté en film. Qu’avez-vous ressenti quand vos personnages et votre histoire ont « pris vie » dans le film ?
C’était génial. J’ai écrit le scénario avec la réalisatrice et j’ai pu assister au tournage en entier. C’était excitant et un peu surréaliste de voir ces personnages que j’avais inventés se transformer en des êtres de chair et de sang qui récitaient les dialogues que j’avais écrits.
Comment cela se fait-il que Stephenie Meyer ait produit le film ? Comment a-t-elle découvert le roman ?
Je connais Stephenie depuis des années. Nous correspondons régulièrement depuis quasiment le début de nos carrières. Elle a lu Austenland avant sa parution. À l’époque, nous nous disions, en riant, « Ce ne serait pas génial d’en faire un film ? Ha ha, cela n’arrivera jamais ! ». Mais c’est arrivé !
Vos fans français auront-ils la possibilité de voir le film en France ? Aimeriez-vous venir à Paris pour les rencontrer ?
J’ai bon espoir que le film soit distribué dans le monde entier. Sony a acheté le film pour le distribuer et je suis sûre qu’ils feront du très bon boulot. Aller à Paris pour assister à l’avant-première ? Ce serait un rêve ! Mais qui sait ?
Et la suite ? Allez-vous continuer à écrire des romans pour adultes ou plutôt pour jeunes adultes ?
J’ai récemment écrit une suite à Austenland, Midnight in Austenland. J’ai également un troisième et un quatrième roman de la même série en tête, alors j’adorerais retourner dans cet univers. J’ai également des projets en littérature pour enfants, jeunesse et jeunes adultes. J’adore écrire dans plusieurs catégories différentes.
Merci à Shannon Hale et aux Lectrices Charleston pour cette belle interview !