Interview de Patricia Gaffney, par les Lectrices Charleston

GaffneyNotre roman de juin sera bientôt disponible. Il s’agit d’une très belle histoire sur l’amitié féminine ! Dans Les Quatre Grâces, on rencontre Emma, Rudy, Lee et Isabel. Elles composent le Club des Grâces, s’épaulent, se conseillent… jusqu’au jour où un événement auquel elles n’étaient pas préparées survient. Un livre plein d’émotion et d’humour, et une vraie leçon de vie.

Nos lectrices Charleston ont pu découvrir ce roman en avant-première, et ont posé quelques questions à l’auteur, qui a été ravie de retrouver ses Quatre Grâces le temps d’une interview !

Les gens pensent souvent que certains personnages ressemblent à leur auteur. Si c’est vrai, alors lequel de vos personnages vous ressemble le plus ? Emma, Rudy, Isabel ou Lee ?
Emma, bien sûr. C’est celle qui cache son désir secret d’écrire des romans (comme moi, jusqu’à mes 40 ans environ, âge auquel j’ai enfin décidé de me jeter à l’eau). C’est aussi celle qui a une sacrée répartie et un point de vue cynique sur la vie, sous lesquels elle cache un cœur d’or. Oh, et elle vit dans mon ancienne maison de Kilbourne Place à Washington DC. Et puis elle a les cheveux roux, une peau d’irlandaise et trouve ses hanches trop larges. Elle est moi !

Dans le roman, les Grâces n’arrivent jamais vraiment à accueillir un cinquième ou sixième membre, mais seulement quatre… Pourquoi ?
Très bonne question ; personne ne me l’a encore posée, celle-là. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est cette dynamique – être quatre, pas cinq – qui prévalait également dans mon groupe d’amies, celui sur lequel j’ai basé les Quatre Grâces. Au début, nous étions cinq, mais une est partie et nous étions quatre, puis une nouvelle est arrivée et nous étions cinq à nouveau, mais elle est partie et nous étions quatre ; et ainsi de suite pendant de nombreuses années. Les quatre de base restaient toujours les mêmes, la cinquième était « de passage ». Quatre est-il le chiffre idéal de l’amitié féminine ? Parce que trois est trop peu et cinq, trop ? C’est souvent ainsi dans la fiction, mais est-ce le cas dans la vie ? C’est un mystère.

Vous avez écrit ce roman il y a 15 ans. L’écririez-vous de la même façon aujourd’hui ? Changeriez-vous quelque chose ? Et auriez-vous envie d’écrire une suite ou un épilogue à cette histoire ?
Si j’avais un enfant de 15 ans, aurais-je envie de le ou la « refaire » ? Bien sûr que non ; c’est ma fille. Est-ce que je souhaiterais que sa chambre soit mieux rangée, qu’elle ait de meilleures notes en maths, qu’elle aime la même musique que moi, que son but dans la vie ne soit pas d’avoir un tatouage ? Peut-être. Mais elle est qui elle est, avec ses qualités et ses défauts ; un produit de son temps, pas du mien.
Je ne réécris jamais un de mes livres dans ma tête. Mes livres sont ce que je pouvais faire de mieux au moment où je les ai écrits. De même, j’en ai généralement fini avec le thème, aussi, la grande idée qui m’a poussée à écrire le livre au départ. Dans le cas des Quatre Grâces, l’idée était l’amitié entre des femmes d’une quarantaine d’années. J’ai dit tout ce que j’avais à dire à ce sujet, j’en ai terminé.
Sauf que – ce n’est pas terminé. Les histoires d’amitié féminine m’intéressent toujours, parce qu’elles font encore partie de ma vie, une part très importante. Je ne suis pas assez vieille pour aller en maison de retraite, mais je suis fascinée par l’idée des vies des femmes dans ce genre d’établissement. Réussissent-elles encore à nouer des liens forts avec d’autres femmes ou est-ce trop tard ? Nos relations les plus fortes, les plus importantes, naissent-elles systématiquement au cours de notre (relative) jeunesse ? Voilà une idée que j’aimerais explorer. Mes amies et moi, nous nous disons souvent que nous aimerions finir nos jours dans la même maison de retraite, assises les unes à côté des autres dans des rocking chairs sous le grand porche, on passerait notre temps à parler, à se remémorer le bon vieux temps, à rire et pleurer, et vieillir, vieillir, vieillir jusqu’à ce que nous partions ensemble (plus ou moins). Est-ce que ça ferait une bonne suite aux Quatre Grâces ? Peut-être pas.
D’un autre côté, j’ai fait le rêve éveillé que Rudy et Emma perdaient toutes les deux leurs maris et se retrouvaient seules à 75 ou 80 ans. Emma s’installerait dans une belle maison de retraite, mais Rudy serait trop pauvre – elles prétendraient donc être lesbiennes pour se marier. C’est légal maintenant, dans 11 états ! Puis elles tomberaient toutes les deux amoureuses de deux hommes différents là-bas, et tout le monde comprendrait que ce n’était qu’un mensonge…
Cette histoire ressemble à une comédie de boulevard. Ou à un rêve qui semblerait si réel jusqu’à ce que l’on lise ce qu’on a écrit la veille au soir et qu’on le trouve ridicule…

Avez-vous la chance de faire partie d’un groupe d’amies, comme dans le roman ?
Comme je l’ai dit, Les Quatre Grâces est basé sur (« librement inspiré » serait plus approprié) un groupe de femmes dont je faisais partie il y a plus de dix ans. Nous nous retrouvions pour dîner un jeudi sur deux pour discuter de certains « sujets » : les mères et les filles, la spiritualité, le sexe, le travail, les frères et sœurs, la mort, la confiance, le devoir, les enfants… Jusqu’à ce qu’invariablement on se lasse de parler du thème imposé ce soir-là et on se remettait à manger, à boire et à parler de tout et de rien. Rien n’était perdu dans la transition ; nous connaissions tout les unes des autres. Nous avions toutes « quelqu’un dans notre vie » comme on dit, mais nous nous disions des choses que nos maris, amants ou petits amis n’avaient pas besoin de savoir ou dont ils se fichaient bien de toute façon. Des trucs de filles. Toutes les femmes ont besoin d’avoir des amies : je le pensais alors, et je le pense encore plus aujourd’hui.
Pourquoi notre groupe a-t-il cessé d’exister ? Eh bien, l’une de nous est morte. Sans notre « Isabel », nous étions en voie d’extinction. Mon mari et moi avons déménagé en Pennsylvanie, ce qui m’a évidemment empêché d’aller régulièrement à nos réunions. Nous avons quand même continué, tant bien que mal, pendant plusieurs années. Mais le temps a une manière de rendre les choses qui semblaient un jour simples et naturelles… compliquées, voire même d’en faire une obligation. L’affection entre nous n’a jamais diminuée, pas du tout, mais les situations changent (nous avons eu des enfants !), et puis il y a eu les e-mails. Nous avions moins besoin d’être ensemble physiquement.
Mais nous sommes toujours amies, toutes les trois, et nous nous voyons aussi souvent que nos vies chargées nous le permettent. Nous ne nous considérons peut-être plus comme un « groupe », mais nous n’arrêterons jamais de nous aimer et de nous soucier les unes des autres. C’est pour toujours.

Pensez-vous qu’il existe des différences entre les amitiés féminines et masculines ?
Bien sûr. En quantité, certainement, d’après mon expérience du moins. Au niveau de la qualité, je n’en suis pas sûre (mais j’ai mes doutes). Je crois que les femmes se définissent par rapport à leurs relations aux autres plus que les hommes. Tout au long de notre vie, nous formons de nouveaux groupes : des clubs de lecture, de couture, de jardinage, de bridge, etc… Les hommes sont plus autonomes (je fais des généralités, je le sais bien). Pour eux, c’est presque une faiblesse d’avoir besoin de l’aide ou du soutien des autres, même si c’est par besoin de distraction ou d’amusement.
Et certains hommes, les Américains en tout cas, se méfient des amitiés masculines proches, par peur d’être perçus comme des homosexuels. Ils restent donc à distance les uns des autres, physiquement aussi, et leur lieu préféré pour montrer au monde leur amitié, ce sont les stades et les événements sportifs. Plus hétéro, ça n’existe pas ! Leurs sujets de conversation préférés sont le sport et la politique, des sujets parfaitement masculins et rassurants. Pas étonnant que le niveau d’intimité reste souvent superficiel.
C’est tellement plus facile pour les femmes. Notre sexualité n’est jamais menacée, quelque soit notre nombre d’amies. Plus on en a, mieux c’est. Et nous n’avons pas peur de nous faire des câlins, de nous embrasser et d’exprimer notre affection en se touchant.
Pauvres hommes ! Mais, s’ils ont vraiment de la chance, ils nous ont nous, les femmes, comme véritables meilleures amies.

Si ce roman était adapté au cinéma, quelles actrices aimeriez-vous voir jouer vos personnages principaux ?
Oh, c’est un jeu amusant. Quand j’y jouais il y a quinze ans, les actrices étaient différentes, bien sûr (plus âgées). Mais aujourd’hui, pour Emma, je verrais bien Tina Fey ou peut-être Lauren Graham : quelqu’un de drôle et avec une bonne répartie. Ou Helen Hunt ?
Rudy serait interprétée par quelqu’un de névrosée mais vulnérable, comme Winona Ryder ou Mary-Louise Parker.
Je verrais bien Lee sous les traits de Courtney Cox ou Kyra Sedgwick… Quelqu’un d’un peu coincé. Sarah Jessica Parker ?
Isabel serait belle et digne, comme Diane Lane ou Patricia Clarkson. Ou Virginia Madsen. Ou – je sais – Edie Falco !
Je pourrais continuer indéfiniment…

Merci à Patricia Gaffney et à nos Lectrices Charleston pour cette interview !

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