L'interview de Rebecca Wells, par les Lectrices Charleston
Il y a peu, les Lectrices Charleston découvraient avec émotion la merveilleuse histoire d’amitié et de filiation contée dans Les divins secrets des petites ya-ya de Rebecca Wells. Après leur lecture, elles ont pu, comme le veut la coutume, poser leurs questions à l’auteur. Découvrez sans plus attendre ses réponses !
Vivi a beaucoup à se faire pardonner, pensez-vous que l’on puisse tout pardonner à nos parents ?
Un des épigraphes des divins secrets des petites ya-ya exprime à la perfection ma définition du pardon :
« Le pardon est le nom que donnent à l’amour les gens qui aiment mal. La terrible vérité est que nous aimons tous mal. Nous avons besoin de donner et de recevoir le pardon chaque jour, à chaque heure de notre vie. C’est le grand travail de l’amour au sein de la confrérie des faibles, qui n’est autre que la famille humaine. » – Henri Nouwen –
Je pense que le pardon est un processus qui ne cesse jamais vraiment. Cela nécessite que nous nous mettions au même niveau que nos parents. Je n’ai pas le droit de juger, de punir ou d’absoudre mes parents. Je me dois seulement de trouver où nos fêlures coïncident et de me débarrasser de tout ressentiment. En réalité, le ressentiment nous abîme plus que celui contre lequel nous l’éprouvons. Plus j’accepte mes défauts et apprends à les aimer, plus il m’est facile d’aimer mes parents – et vice versa. Le pardon, c’est aimer d’une manière détachée, c’est prendre de la distance avec les actes d’autrui pour se protéger de la souffrance qu’ils peuvent nous causer. Siddy pardonne à Vivi en clamant haut et fort son droit à aimer et à être aimée.
Votre roman parle aussi d’amitié. Une amitié fidèle, sans faille, proche de l’amour. Quel genre d’amie êtes-vous ?
J’ai écrit les divins secrets il y a plus trente ans. A ce moment-là, j’avais besoin de dresser le portrait d’une amitié sans faille. Je n’avais pas encore accepté qu’être humain, c’est avoir des défauts, être imparfait et qu’il n’existe aucune relation sans zones d’ombres. Alors que la seule chose qui compte vraiment, c’est d’accepter cette imperfection, la nôtre et celle de ceux que nous aimons. Je suis arrivée à un moment de ma vie où je pense que je progresse un peu plus chaque jour vers cette acceptation. Cela m’apprend à écouter les gens sans les juger et à aimer avec une générosité nouvelle, différente, qui consiste davantage à apprécier la compagnie d’un ami qu’à satisfaire mes petits besoins personnels. Je n’avais pas compris en écrivant le livre qu’abandonner l’idée de perfection était le meilleur chemin vers l’amour de soi ou des autres.
Votre roman est sorti il y a quelques années, que ressentez-vous face au succès qu’il a connu ?
Je vois ce succès comme un cadeau m’ayant fait prendre conscience que je ne suis pas seule dans ce cheminement qui consiste à renoncer à comprendre ma mère et les autres et à les aimer, tout simplement. Longtemps, je n’ai pas saisi la récompense plus profonde que m’avait apporté ce succès. A présent, j’ai compris que la plus belle bénédiction est que j’ai désormais l’impression d’être accompagnée, d’appartenir à une sorte de famille. Je sais qu’ils sont des millions à partager mes blessures et mes émotions, entre souffrance et joie, pathos et humour, et cela me réconforte. Quand je monte sur une scène maintenant, je pense que les ya-ya sont avec moi, et j’ai l’impression que le public est une bande de vieux amis auxquels j’ai l’immense plaisir de rendre visite pour une court mais merveilleux moment.